L’Égypte, pionnière du Pacte Mondial au Proche-Orient
L’Égypte, pionnière du Pacte Mondial au Proche-Orient
Publication of type Interview published on 30-03-2016
La Tunisie, la Jordanie, les Emirats Arabes Unis, la Syrie, ou encore l’Irak ont tous récemment rejoint le Pacte Mondial des Nations Unies. L'Egypte a été le premier à franchir le pas dans la région, et a mis en place son réseau local en 2004. L'entrevue avec M. Mohamed Al-Fouly, représentant du Pacte Mondial en Egypte, met l'accent sur le déploiement de la RSE dans le pays, les avantages et les défis auxquels pourraient faire face les entreprises égyptiennes lors de la mise en œuvre de leur stratégie RSE, et le rôle de la société civile dans ce processus.
En quoi consiste le Pacte Mondial en Egypte ?
Mohammad Al-Fouly (MAF) : Le Pacte mondial en Egypte est une initiative de l’ONU, organisé sous forme de réseau local visant à guider le secteur privé sur quatre grands thèmes : les droits de l'Homme, le droit du travail, l'environnement et la lutte contre la corruption. Au sein de ce réseau, nous avons 113 participants, dont une soixantaine d’entreprises de différentes tailles et secteurs d’activité, le reste étant composé d’universités, d’institutions, ONG, fondations… Le but du réseau est de les encourager dans leurs engagements opérationnels et stratégiques.
Comment les participants engagent-ils leurs démarches de responsabilité sociétale ?
MAF : L’ensemble des participants au réseau affirment leur engagement pour les dix principes fondamentaux du Pacte Mondial, flexibles et ajustables quel que soit le secteur d’activité et/ou la taille de l’organisation. Cependant, seulement une partie des entreprises engagent leur démarche de responsabilité sociale au moyen de la norme ISO26000, qui reste encore floue et nébuleuse pour la majorité des PME et/ou TPE. Pour citer un exemple d’engagement de démarche RSE, je pense à Mansour Holdings, une des grandes entreprises de notre réseau qui a mis en place des éco-gestes dans l’ensemble de ses points de vente, comme l’utilisation de sacs biodégradables, de lampes LED…
Comment décririez-vous la RSE en Egypte ?
MAF : La RSE est au centre du modèle d'affaires égyptien depuis quelques années. Au sein du Pacte Mondial, nous jouons un rôle important dans le changement de comportement, puisque la plupart des entreprises sont des entreprises familiales sans intérêt ou implication envers certains aspects de la RSE. La charité et la philanthropie sont cependant prises en compte car elles font partie de la culture égyptienne, mais de nos jours, la RSE ne cesse d’évoluer vers des niveaux plus élevés en intégrant la prise en compte des parties prenantes, les achats durables, le reporting intégré… C’est le challenge majeur pour les entreprises, qui doivent suivre et s’aligner à ces nouveautés. Toutefois, la RSE en Egypte se développe de manière convaincante, et sa diffusion auprès de l’individu et des organisations connait un succès grandissant.
Quels sont les défis pour l'Egypte en matière de RSE ?
MAF : Le premier défi auquel font face les entreprises égyptiennes est la demande de transparence. Nous avons remarqué que seules les grandes entreprises sont enclines aux pratiques de reporting, car elles appartiennent généralement à un réseau au sein duquel ce type d’action est encouragé. Les autres freins rencontrés sont d’une part le manque d’engagement des décideurs, qui ne comprennent pas de manière claire les avantages des démarches RSE - et n’y trouvent pas d’intérêt sur le court terme. Et d’autre part, le manque de vision stratégique du secteur public. L’ensemble de ces limites empêchent les entreprises de mettre en œuvre des pratiques RSE, initiative pourtant de plus en plus nécessaire pour répondre à la grande pression de certaines parties prenantes : investisseurs, employés, clients, mais surtout société civile et média sociaux.
Quel rôle joue la société civile ?
MAF : Le rôle de la société civile en Egypte est extrêmement important car il est très critique envers les organisations du secteur privé, avec un impact important qui permet de conduire au changement positif, en particulier sur des sujets tels que la sécurité des employés, le Trust index (qui évalue le degré de bien-être au travail), le niveau de l'égalité hommes/femmes, le travail des enfants... Leur but est de soulever les bonnes questions, les analyser et essayer de trouver la solution adéquate, tout en accroissant la sensibilité de la population sur ces sujets, et en soutenant les attentes des parties prenantes.
Pourriez-vous nous donner des exemples concrets de partenariat ONG-entreprises ?
MAF : Le premier exemple qui me vient à l'esprit est celui de Work Environment Foundation, une fondation d’entreprises la plus active au sein de notre réseau, qui travaille avec le secteur privé afin de développer et de promouvoir un comportement éthique visant à créer un meilleur environnement de travail. L’expérience a été conduite au sein d’un hôpital public, ce qui a donné lieu à une communication plus fluides entre médecins et infirmiers, mais aussi à une plus grande « satisfaction client ».
Pour montrer leur soutien sur les enjeux du changement climatique, les entreprises mettent aussi en place des stratégies de mécénat ou des partenariats avec les OSC. On assiste depuis peu, à une prise de conscience croissante de la part des entreprises sur ce thème, et je peux citer différents exemples, comme le partenariat entre une entreprise et une ONG qui mettent en commun leur expertise pour développer, améliorer et mettre en œuvre des techniques de recyclage de plastiques.
Il existe aussi une multitude d’initiatives concernant des activités qui visent à soutenir l’autonomisation des femmes entrepreneurs, en particulier dans le secteur artisanal. Le secteur privé s’engage avec les OSC pour permettre à ces femmes de se faire une place dans le marché égyptien, les aider pour exporter leur produit, et leur offrir une visibilité au niveau international.
Comment voyez-vous l'évolution de la RSE en Egypte dans les années à venir ?
MAF : La RSE en Egypte a un avenir très prometteur. Tout d'abord, l'Egypte fait partie des pays qui se sont engagés en faveur des 17 ODD (Objectifs de Développement Durable), ceci est un élément clé qui pourrait dans un premier temps accroître l'engagement du secteur privé vers la RSE, mais aussi pousser le gouvernement à soutenir les secteurs public et privé dans leurs activités et démarches, en changeant les structures, les règles, les lois... Deuxièmement, nous devons également savoir que dans le Pacte mondial, nous encourageons nos organisations membres à considérer la RSE comme une culture, une pratique innovante, un engagement et comme une méthode novatrice pour faire des affaires, parce que nous pensons que cela pourrait aider les pays en développement à rattraper leur retard par rapport à l'économie actuelle, localement comme globalement.
Etes-vous en mesure de comparer les actions mises en place en matière de RSE avec les autres pays de la région MENA ?
MAF : Au sein du Global Compact, certes, le réseau local égyptien est le plus ancien de la région MENA, mais nous sommes tous des nouveaux arrivants. C’est pour cela que nous ne sommes pas dans une logique de comparaison, mais nous cherchons plutôt une mutualisation des ressources et des informations, et un échange d’expériences et de bonnes pratiques. Nous pensons la région MENA comme un seul ensemble, dont les composants se soutiennent mutuellement, en particulier compte tenu de la situation actuelle dans certains pays, tels que l'Irak ou la Syrie.