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"Pollution & Poison" chez les fournisseurs d'Apple

"Pollution & Poison" chez les fournisseurs d'Apple

Publication of type Interview published on 01-07-2011

Suicides chez un fournisseur principal, droit du travail ignoré, salariés et communautés intoxiqués… Un rapport accablant pour le géant Apple était publié cet hiver par un groupement d’ONG chinoises, qui entend faire levier sur les entreprises en publiant les informations concernant leurs fournisseurs et la réponse que les grands groupes apportent à ces alertes. Plongée dans le silence d’Apple.

Pourriez-vous présenter Friends of Nature et le programme « Green Choice Alliance»(GCA) ?

Chang Cheng (CC) : Friends of Nature a été créée en 1994, c’est une des premières ONG environnementales en Chine et l’une des seules agissant à une échelle nationale. Notre mission est de contribuer à créer une conscience environnementale citoyenne et pour cela nous menons des actions de lutte contre la pollution visant à aider les entreprises à changer leurs comportements, pour limiter leurs impacts. C’est à ce titre que nous faisons partie du programme GCA, initié en 2008 par l’Institute of Public and Environmental Affairs (IPE) et qui a pour objectif de réduire la pollution liée aux centres de production en intégrant transparence et participation de parties prenantes dans la gestion de la chaîne d’approvisionnement. En réponse à une loi obligeant les entreprises chinoises cotées à publier des informations environnementales, l’IPE a construit une base de données en collectant des informations publiques sur les cas de pollutions liées aux entreprises et a regroupé des ONG dans ce programme pour participer aux processus d’audit des entreprises polluantes.  

 

C’est ainsi qu’est né le rapport « La face cachée d’Apple » ? CC : Les pollueurs que nous avions identifiés grâce à la base de données sont en réalité les fournisseurs de grandes marques de produits technologiques, dont Apple fait partie. C’est pourquoi nous leur avons fait parvenir des courriers, car elles sont davantage soucieuses de leur image et de leurs performances environnementales que leurs fournisseurs chinois : nous leur demandions si elles étaient conscientes de ces atteintes à l’environnement et ce qu’elles prévoyaient de faire pour y remédier. Nous avons reçu des réponses de toutes les entreprises, sauf d’une : Apple. Malgré nos nombreuses relances, le silence de l’entreprise nous a poussés à faire un rapport uniquement sur elle. Ce dernier, fondé sur des informations publiques, des interviews menées par l’ONG de terrain Green Beagle auprès d’employés des sites de production et des analyses de l’IPE, souligne les violations des réglementations sociales et environnementales des fournisseurs d’Apple.  

 

Quelles difficultés avez-vous rencontrées avec la réalisation de ce rapport ?

CC : Premièrement, Apple n’a pas souhaité nous communiquer les informations relatives à ses fournisseurs et comme nous ne sommes pas des experts techniques, nous avons eu du mal à les trouver. Deuxièmement, nous avions mis en ligne un site répertoriant toutes les articles publiés en lien avec le rapport et les atteintes aux réglementations sociales et environnementales des fournisseurs d’Apple. Ce site n’est aujourd’hui plus accessible, et nous nous demandons si Apple n’est sommaire pas à l’origine de ce blocage. Enfin, nous avons le sentiment que certaines personnes qui relaient nos informations ne saisissent pas vraiment notre message : notre objectif n’est pas de blâmer Apple dans sa totalité, mais seulement de demander à l’entreprise d’assumer sa responsabilité et de prendre les mesures pour trouver les solutions appropriées.  

 

Le rapport a été publié en janvier 2011. Six mois après, mesurez-vous des impacts sur Apple ?

CC : Même si Apple ne nous a jamais directement répondu - l’entreprise a privilégié une communication média -, nous pensons que le rapport a eu une certaine influence sur l’entreprise, car elle a publié un rapport sur sa responsabilité vis-à-vis des fournisseurs peu après le nôtre, dans lequel elle admet que certaines atteintes sont avérées, mais nie les autres. Nous ne demandons pas à Apple d’aller à l’encontre de sa stratégie du « secret » qui entoure ses fournisseurs et la fabrication de ses produits, mais simplement que l’entreprise reconnaisse les atteintes aux réglementations en vigueur et y contrevienne. Cependant, nous continuons à enquêter avec nos partenaires et découvrons qu’Apple ne met pas tout en oeuvre pour changer les choses. Nous allons donc prochainement publier un nouveau rapport.   

 

Par ailleurs, cela a-t-il eu des conséquences sur l’opinion publique et sur les fournisseurs en Chine ?

CC : Je dois admettre que l’influence sur l’opinion publique a été moindre : les consommateurs n’ont pas changé leurs habitudes de consommation et les produits Apple se vendent toujours très bien. En Chine, les consommateurs ne réalisent malheureusement pas encore à quel point ils ont le pouvoir de faire progresser les choses, mais c’est la raison d’être de Friends of Nature que de continuer à éveiller les consciences pour cela. En revanche, le rapport n’a eu aucun impact direct sur les fournisseurs. En particulier Foxconn, où les accidents continuent et où de nombreux suicides et des cas d’extorsion nous ont été signalés. Cela montre bien qu’ils ne prennent pas cet enjeu au sérieux dans le management de leurs opérations. Nous voulons changer cela, pas seulement par la pression exercée sur Apple : nous prévoyons aussi de collaborer directement avec les autorités locales, ou de travailler avec des communautés sur la question de la protection de leurs droits.  

 

Allez-vous travaillé avec ces entreprises pour les aider à améliorer leur impact environnemental ? Pensez-vous qu’elles soient prêtes à collaborer ?

CC : C’est certain ! Il y a des précédents qui montrent que cela est possible : de nombreuses entreprises se sont déjà tournées vers l’IPE dans le cadre du programme Green Choice Alliance qui les a aidées à définir et à mettre en oeuvre un plan d’action vers des améliorations environnementales. Tout comme les atteintes aux réglementations environnementales, les progrès réalisés par les entreprises sont rendus publics. Celles qui iront le plus loin dans cette démarche et s’impliqueront dans un processus très strict défini par l’IPE (avec un droit de regard des ONG de la coalition du GCA), pourront voir leurs données relatives aux atteintes à l’environnement retirées de la base de données. Plusieurs manières de traiter avec les entreprises sont donc possibles, mais je pense simplement que celles-ci n’ont pas aujourd’hui suffisamment d’incitations à travailler avec nous. Nous allons par conséquent continuer à faire plus de campagnes et de rapports pour pousser les entreprises à comprendre que porter atteinte à l’environnement est un problème, et leur montrer les pistes possibles pour progresser.  

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