Accélérateur de co-création
Accélérateur de co-création
Publication of type Interview published on 2016-07-18
Rencontré à l’occasion d’un séminaire européen d’échange d’expérience autour de l’entrepreneuriat social et de l’inclusion, Jose Luis Ruiz de Munain nous présente la branche espagnole d’Unltd, accélérateur d’entreprises sociales en Espagne. Alors que la structure existe depuis moins de cinq ans, elle vient déjà de lancer un programme de co-création avec une grande entreprise, dans le secteur de la santé.
Pouvez-vous nous présenter Unltd Spain ?
Jose Luis Ruiz de Munain (JLRM) : L’entité a été créée en 2012, alors que nous étions plusieurs individus réunis depuis quelque temps déjà avec la volonté de monter une structure de promotion et de soutien pour l’entrepreneuriat social en Espagne. Rejoindre le réseau Unltd nous a permis de donner un cadre à cette impulsion. Notre mission est remplie à la fois par une entreprise et une fondation : Unltd company et Fundación. Nos bureaux sont à Madrid mais nos initiatives ont une ampleur nationale.
Pour ma part, je suis économiste et l’un des fondateurs d’Unltd Espagne. J’y officie en tant que directeur du développement. Je m’occupe donc peu des opérations de soutien aux entrepreneurs sociaux, ma principale mission étant de développer nos activités, et notamment avec le secteur privé.
Comment travaille Unltd en Espagne ?
JLRM : Comme tout le réseau mondial d’Unltd, notre mission de soutien s’adresse à la phase initiale de la démarche entrepreneuriale, dans laquelle nous distinguons trois étapes successives : IDEA (concept), ARRANCA (démarrage) et CRECE (croissance). Toutes les entités Unltd concentrent leur travail sur les secteurs stratégiques pour le contexte national. Ainsi, En Espagne, nous avons choisi de nous développer autour de la santé, l’agro-alimentaire et les problématiques urbaines.
Quelle part de votre travail concerne les entreprises « traditionnelles » ? Comment ?
JLRM : Il y a de très nombreuses formes d’encouragement à l’engagement volontaire de la part de l’entreprise : le pro bono, le bénévolat ou le volontariat de compétences, l’abondement, le bénévolat lié au bonus de fin d’année… Il n’y a pas de bon modèle, mais il y en a un qui vous correspond mieux, à un moment précis de votre démarche. En ce qui nous concerne, jusqu’à présent, nous avions surtout mobilisé nos partenaires du secteur privé autour du pro bono, par exemple les banques, comme la Fondation Edmond de Rothschild France qui mobilise son réseau pour soutenir le programme CRECE ou la Fondation JP Morgan Espagne.
Cette année, nous avons développé un projet innovant avec une grande entreprise du secteur pharmaceutique, Eli Lilly. Il s’agit de notre première collaboration vraiment stratégique : nous avons élaboré avec eux un programme interne de soutien à l’entrepreneuriat social. Eli Lilly est une très grande entreprise qui a du mal à innover, ses employés ont en moyenne quinze ans d’ancienneté et ses programmes d’innovation avaient du mal à décoller dans la RSE. Nous leur avons proposé de travailler sur la co-création, qui est une sorte de RSE 2.0, car elle se base sur le business de l’entreprise. Ils ont donc mis en place avec nous un programme d’entrepreneuriat social sur la santé, Emprende in Health. Le programme vient de commencer et devrait conclure sa première phase en fin d’année.
Comment « choisir » les entreprises avec qui collaborer ?
JLRM : Notre message sur ce point, c’est la ligne que nous nous fixons aussi chez Unltd : vous ne devriez vous engager qu’auprès d’entreprises qui partagent vos valeurs. Par ailleurs, on ne doit pas aller contre son intuition : si cela correspond naturellement, ou au contraire si le dialogue est vraiment trop laborieux, c’est le meilleur signe possible qu’il faut donner suite ou pas ! Ce ne sont pas forcément des entreprises qui vous ressemblent, plutôt celles avec lesquelles vous êtes complémentaires. Pour que le partenariat soit gagnant-gagnant, il faut que tout le monde s’y retrouve. Dans l’exemple de notre collaboration avec Eli Lilly, nous avions besoin de mobiliser un acteur du secteur de la santé pour donner une impulsion sociale, et l’entreprise avait besoin de booster l’innovation. Sur le fond, nous nous retrouvons sur l’idée que la RSE est obsolète et qu’il faut co-créer pour réellement changer l’entreprise.
Comment passer de l’idée au projet ?
JLRM : Il y a plusieurs éléments de réponse. Premièrement, ce qui est crucial, c’est de savoir avec qui travailler dans l’entreprise. En deux mots, ne jamais se baser uniquement sur le CEO. Il doit adhérer à la démarche, donner le feu vert quand ce sera nécessaire – donc il faut le rencontrer - mais vous devez aussi travailler avec son N-1. Nous avions rencontré le CEO de Eli Lilly, qui était réceptif mais sans résultat car ce n’est pas son rôle de donner l’impulsion concrète, ni de mettre en place le processus. Ensuite, lors d’une conférence, un collègue présentait Unltd et le N-1 de ce CEO est venu rencontrer mon collègue, très enthousiaste… au départ pour des renseignements, mais au bout de deux minutes de conversation, nous savions que nous allions travailler ensemble !
Une fois le projet impulsé, nous avons essayé de travailler avec les top managers. Puis, quand le CEO est venu de Minneapolis visiter l’Europe, nous nous sommes battus pour qu’il vienne rencontrer les entrepreneurs sociaux du programme. C’est un visionnaire, qui a infusé la shared value dans son entreprise.
Ensuite, il faut s’attacher à comprendre les motivations des personnes elles-mêmes, voir ce qui les meut. Par exemple, pour notre challenge chez Eli Lilly, comme nous allions beaucoup nous appuyer sur des mentors de l’entreprise, nous les avons associés dès la phase de la sélection. Cette participation est très importante pour les associer réellement au projet, et plus globalement au partenariat, mais aussi pour comprendre les motivations personnelles qui les poussent à s’engager pour promouvoir l’entreprenariat social !